Amélioration 'littéraire' de texte libre

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Jean Teissier
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Amélioration 'littéraire' de texte libre

Message par Jean Teissier »

En l’état…
Une présentation de ma pratique du « toilettage littéraire » (2020-2023)


Bonjour à toutes et tous,

Ci-dessous, je mets un texte en 3 parties concernant l'amélioration de texte dans une optique 'littéraire' (et non d'étude de la langue).
Ce texte n'est qu'un petit bilan d'étape des expérimentations faites à ce sujet avec ma classe. Il cherche à pointer ce que ces expérimentations ont permis et les questions qu'elles ont suscitées.
Il ne constitue pas un modèle ou une vérité définitive. Tout y est critiquable.

Le premier post est une chronologie : il situe cette amélioration de texte dans un parcours plus général du texte d'un enfant, (dans ma classe).

Le deuxième post concerne des enjeux de sens puissants : il parle de ce qui se joue pour les différentes personnes (enseignant.e, élève à l'origine du texte, autres élèves), lors d'une amélioration littéraire, en terme de relation aux autres via la relation au texte.

Le troisième post pose quelques techniques d'animations qui se sont avérées opérantes (pour moi).

En espérant que ça intéresse ou, mieux, que ça fasse causer...
Jean Teissier
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Jean Teissier
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Re: Amélioration 'littéraire' de texte libre

Message par Jean Teissier »

Chronologie :
Écrit personnel
  • Écriture d’un texte libre (minimum d’une phrase)
  • Correction orthographique (individuelle avec le maître)
  • Choix de le proposer au toilettage
Oral collectif (demi-classe)
  • Texte au tableau
  • Parole du maître : rappel du contrat social du ‘toilettage’
  • Parole à l’autrice originaire : définition d’une direction artistique à suivre
  • Propositions des autres : dialogue créatif
  • Parole à l’autrice originaire : définition des scènes conservées
  • Parole du maître* :Reformulation précise de la fiction (pour la mettre en mémoire)
  • Répartition des scènes à écrire.
Écrit sous contrainte (individuel)
  • Tâche des élèves : Écriture de la scène dont on a la charge : on doit en suivre la logique définie collectivement mais on peut l’écrire à sa manière (trouvailles énonciatives, trouvailles d’écriture → travail non du propos mais de la manière de l’écrire… en vue de le faire entendre).
  • Tâches du maître* : recomposition du texte puis ajout des connecteurs puis pronominalisation puis mise en cohérence temporelle
Mise au point du mini-livre
  • Tâche du maître : imprimer la première version (+ 2 versions adaptées)
  • Tâche de l’autrice… ou du groupe de co-auteurs et co-autrices : relire et valider puis définir le titre.
  • Impression en format mini-livre → Mise à disposition
  • Tâche de l’autrice (priorité)… ou d’autres : illustrer le mini-livre
  • Possibilité pour l’autrice (priorité)… ou d’autres : lire le mini-livre aux autres (groupe-classe puis autres classes)

* Ces tâches sont au départ prises en charge par le maître mais le but est de pouvoir les confier, dès que possible, aux enfants eux-même.
Exemple : Actuellement, comme nous travaillons sur le passé / présent / futur, je suis en train de déléguer le travail de mise en cohérence temporelle aux enfants.
Jean Teissier
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Jean Teissier
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Re: Amélioration 'littéraire' de texte libre

Message par Jean Teissier »

Enjeux :

La phase d’oral collectif est le temps central de ce processus, du point de vue du ‘travail littéraire’.


C’est un dialogue entre 3 positions :
  • l'auteur.ice originaire
  • les autres enfants co-auteur.ices
  • l'enseignant.e (animant l'échange)
Du côté de l’autrice ou auteur originaire :
  • Avant le dialogue : en tant qu’autrice ou auteur, iel est dans un « point de suspension ». Qu’iel le juge « fini » ou pas, le texte qu’iel propose au toilettage est, nécessairement, le maximum de ce qu’iel pouvait faire seul.e.
    Si iel avait pu ou voulu aller plus loin, écrire plus ou « mieux », alors iel l’aurait fait.
    Précision
    Ce maximum est « garanti » par un échange entre l’élève et l’enseignant.e. Cet échange a pour but la correction orthographique du texte de l’élève. Mais il est aussi l’occasion, pour l’enseignant.e de lui poser franchement la question : « Ton texte, il en est à cette étape-là : qu’est-ce que tu veux en faire maintenant ? »

    L’auteur.ice entre dans le temps de dialogue collectif par désir, mais un désir qui ne sait pas ce qu’il veut de ce texte-là, pour ce texte-là.
    Précision
    Ce désir peut aussi être d’être reconnu.e comme auteur.ice par les autres grâce à ce texte-là. Cette dimension tournée vers son propre statut dans le groupe, et non vers le produit de son travail, me paraît plus rapidement perceptible par les enfants, du fait de la répétition de cette expérience de toilettage de texte, dont iels peuvent constater les effets dans la vie de la classe.
  • Pendant le dialogue : Iel va découvrir « l’intention » de son œuvre.
    Au départ, iel ne peut pas l’expliciter… ou pas plus l’expliciter que ce qu’iel a déjà écrit (« Si j’avais pu le dire autrement, je n’aurai pas écrit un livre »).
    Mais, confronté à la proposition d’un.e autre élève pour son texte, iel va pouvoir dire, la plupart du temps, si cette proposition lui parle, si iel va dans une direction qui lui plaît pour son œuvre.
    Ce que pourrait être « l’intention » de son œuvre se construit avec les autres.
    « L’intention » ne pré-existe pas au dialogue, comme une sorte de pureté originelle à révéler : je comprends ce que j’ai cherché à dire grâce à la manière dont je me sens touché.e par ce que les autres disent à partir de ce que j’ai écrit.
  • Suite au dialogue : Aussi transformé soit-il, le texte qui s’élabore demeure son texte et non le texte de la classe. La preuve : tout le monde, dans la classe, le désigne comme « le texte d’A. ».
    A vrai dire, tout le monde sauf moi qui, tout au long du temps de la création collective, dis : « le texte que nous écrivons à partir de l’idée d’A. »… jusque dans les versions publiées ou sur la page de garde du mini-livre, où je note comme auteur.es : « A. et le groupe des voyelles » ; « J. et le groupe des consonnes »etc.
Du côté des autres élèves co-auteurs et co-autrices :
  • Avant le dialogue : Iels n’existent pas encore (pour ce qui concerne le texte).
  • Pendant le dialogue : Iels font des propositions pour améliorer le texte dans le sens de la ‘direction artistique’ indiquée par l’auteur.ice.
    Dans un premier temps, ces propositions correspondent à l’expression spontanée de ce que leur évoque le texte de l’auteur.ice et/ou les remarques des autres.
    Petit à petit, (à force d’expérimenter cette situation de dialogue créatif) iels commencent à argumenter et à expliquer pourquoi « ce serait cool si il se passait ceci au lieu de cela ».
  • Ces ‘autres élèves co-auteurs et co-autrices’ sont placé.es dans une position double :
    • A priori, iels sont des aidant.es : le contrat explicite du dialogue est d’aider l’auteur.ice à amener son texte encore plus loin.
      C’est une position légèrement distanciée tournée vers le besoin d’une autre (l’auteur.ice).
    • Mais, très souvent, dès qu’iels osent formuler une proposition, iels se retrouvent engagé.es, pris.es, investi.es dans la fiction en train de s’élaborer… Iels deviennent alors co-autrices et co-auteurs du texte en cours.
      C’est une position d’émergence de soi (de ‘débrayage’) tournée vers le désir de dire, de s’exprimer soi.
    • Une tension existe entre ces deux positions : l’une est plus un travail d’entendre et l’autre plus un travail de dire.
      Je trouve cette tension intéressante à vivre pour les enfants : elle les place dans une logique où iels ne peuvent ni se nier soi, ni oublier l’autre.
      Mais c’est une vraie tension : elle doit être pensée comme telle. Et elle doit pouvoir être régulée, c’est-à-dire offrir des issues pour en sortir et pour y entrer.
  • Suite au dialogue :
    - Iels ont en charge l’écriture d’une scène : travail qui les valide en tant que co-auteurs et co-autrices du texte.
    - Iels deviennent également les premiers lecteurs et les premières lectrices de la version finale (recomposée) du texte :
    • → lecture-satisfaction de constater le travail accompli→ lecture-plaisir de replonger dans le passage, la « bonne idée » qui leur avait plu (elle est bel et bien encore là, dans la version finale et on peut, donc, la retraverser, rejouer le plaisir de la découverte)→ lecture-jugement aussi, parfois : iels ont leur mot à dire pour critiquer le résultat final et demander des modifications… même si l’auteur.ice originaire garde un droit de veto sur ces changements.Précision :En pratique, actuellement, aucun.e ne s’autorise vraiment à juger le texte obtenu : « ça leur va » toujours. Est-ce parce que, effectivement, cela leur va ? Est-ce parce qu’iels ne s’autorisent pas ce type de jugement ? Est-ce parce qu’iels n’imaginent même pas qu’il pourrait y avoir une suite, un au-delà de cette version finale-là ?
    - La plupart du temps, iels redeviennent aidant.es le temps de trouver le titre : l’auteur.ice peut donner son titre à elle mais, souvent, iel demande à ce que le groupe fasse des propositions avant de choisir.


Du côté de l’enseignant.e :
  • Avant le dialogue : L’enseignant.e rend possible la proposition du texte au toilettage, généralement en posant la question : « Ce texte, que veux-tu en faire ? ». Iel garde le seuil :
    • un peu vigile (on n’entre pas à n’importe quelle condition, il faut déjà être allé au bout de son texte)
    • et un peu hôte ou hôtesse d’accueil (je t’assure que tu as le droit de proposer ton texte, toi aussi, si tu le souhaites).
  • Pendant le dialogue : L’enseignant.e prend un statut d’animateur.ice du dialogue. Il s’agit d’une position double :
    • Iel doit soutenir toutes les propositions des élèves.
      Iel en est « l’accoucheur ou l’accoucheuse ». Iel n’en est pas le « juge ». Peu importe ses envies, peu importe ses préférences et peu importe ce qu’iel avait anticipé pour ce texte. Iel doit montrer que, pour peu qu’on les écoute, toutes les propositions peuvent devenir signifiantes.
      Iel se fait explicitement le relai de chaque proposition vers les autres.
      Iel modélise ainsi une forme d’écoute active.
    • Iel doit aussi garantir la cohérence du texte en devenir.
      Iel est celui ou celle qui n’oublie pas que, à la fin du dialogue, il faut que nous soyons collectivement en mesure d’écrire un texte.
      Iel en garde le soucis. Et comme iel en garde le soucis, iel permet aux autres de l’oublier un peu, pour un temps. Donc de se lâcher plus. D’oser proposer un cran plus loin de ce qu’iels se seraient permis d’imaginer.
    • Il existe, là aussi, une tension entre ces deux positions : permettre aux enfants d’oser, de se risquer à proposer (donc de passer outre la peur et l’autocensure, bien connues en improvisation), partir d’elles et d’eux
      et en même temps s’assurer que l’on arrive bien quelque part : que le ‘texte’ qui est en train de s’élaborer demeure :
      • un espace un minimum collectif, suffisamment partagé (c’est pas chacun qui, pour faire son trip dans son coin, tolère celui des autres)
      • un espace qui aille bien dans le sens de la direction artistique demandée au départ… ou, au moins que, si la direction change, ce changement soit un choix consenti par le groupe et approuvée par l’autrice originaire (et non une situation de fait parce qu’on a dérivé trop loin et qu’on se retrouve perdu au milieu de nulle part).
  • Suite au dialogue : Suite au dialogue, l’enseignant.e redevient une sorte de grand-tuteur ou de grande-tutrice. Iel prend principalement en charge l’accompagnement de la phase d’écriture (comme en amont du dialogue) et l’aboutissement du texte (ce qui peut correspondre à pas mal de trucs à faire encore).
Jean Teissier
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Re: Amélioration 'littéraire' de texte libre

Message par Jean Teissier »

Quelques techniques d’animation

Ce qu’est la liste de techniques ci-dessous :
  • ces techniques répondent aux enjeux que je reconnais au temps de ‘dialogue créatif’.
  • Ce sont des gestes et formules qui se sont avérés efficaces lors de certains dialogues (iels ont fait réagir certains enfants).
  • Ce sont les gestes et formules qui, à force d’être réutilisées, sont devenus des éléments ritualisées du ‘dialogue créatif’.

Ce que cette liste n’est PAS :
  • elle n’a pas prétention à offrir des recettes applicables en tous lieux , toutes circonstances
  • en particulier, ces techniques n’ont aucune valeur pour répondre à d’autres enjeux que ceux que j’ai identifié au fil de mes ‘dialogues créatifs’ avec les enfants.
  • elle n’est certainement pas exhaustive.
Le contrat social du ‘dialogue créatif’
Inspiré en partie par le travail de Nicoletta (Pédagogie du Ciel, MCE-Mouvement Freinet italien)

  • Entrée dans le dialogue
version light : « Je vais avoir besoin de votre attention pendant 20 / 30 minutes. Pour cela, nous allons nous reconcentrer sur nous-même avec les 3 respirations. Fermez les yeux : écoutez et sentez passer l’air dans votre corps ».
Yeux fermées, 3 respirations
La dernière est « contrôlée », c’est-à-dire qu’on n’expire pas d’un coup mais le plus longuement possible.
Avantage de cette version : ça prend littéralement 30 secondes.


version heavy : « Nous avons tous un corps. Et nous avons besoin de notre corps pour réfléchir et pour écouter. Il est important qu’on lui laisse sa place. D’autant plus que, comme nous allons travailler ensemble, nous allons rester assis pendant 20 / 30 minutes. Est-ce que quelqu’un a besoin de réactiver son corps avant qu’on commence ? »
Si une seule personne répond « oui », alors on fait tous le rituel de la ‘douche corporelle’ :
debout, on simule les gestes du savonnage
en partant des mains et des bras, on rejoint le buste et le dos, puis on descend jusqu’aux orteils…
des orteils, on remonte en tapotant les parties « savonnées »…
en arrivant au cou et à la nuque, les gestes deviennent un massage plus lent qui se prolongent en remontant le long du visage jusqu’au haut du crâne
on termine par les gouttes d’eau sur le crâne en tapotant du bout des doigts.
Généralement, on accompagne ces gestes en nommant les parties du corps touchées.
Suite à la douche, on se rassoit et on enchaîne directement sur les 3 respirations.
Avantage de cette version : elle réexplique plus clairement les enjeux et fait plus explicitement place à celles et ceux qui ne tiennent plus en place.

  • Contrat de parole
Annonce du type de dialogue : « Nous allons toiletter le texte de A. »

Précision :
La définition de ce qu’est un ‘toilettage de texte’ se construit au fil des expériences. Je pose le mot en début d’année, laisse aux enfants le temps d’exprimer ce que ça leur évoque, explicite rapidement le sens que je lui donne ici, en classe… puis on passe très vite à la pratique.
Le pari est que, de toute façon, sans expérience vécue (ensemble, au sein de la classe), je peux bien dire c que je veux, le mot restera une coquille vide.
Ce pari est fondé sur le constat répété des décrochages des élèves éloigné.es d’un usage de la parole pour fabriquer des « abstractions »… et de la difficulté d’accrocher pour les élèves éloigné.es de la langue française.

Problématique sous-jacente :
Viser une société de l’inclusion et, plus généralement, du care ?

Il y a là un immense champ de travail critique, que je suis loin d’avoir mené à terme. J’en suis déjà à essayer de ne pas l’esquiver. Je pourrai le résumer ainsi :
  • Le passage par le ‘texte libre’ / ‘dialogue littéraire’ / retour à l’écrit est un moyen de charger la langue écrite de sens, de puissance et de désir, mais il prend appui sur une langue orale, supposée plus familière.
  • Cela tend à exclure de fait celles et ceux pour qui cette langue orale ne peut pas être un point d’appui. Car l’oral porte son propre lot de difficultés : sa rapidité, son caractère éphémère, l’intensité / épaisseur / opacité des paroles échangées… L’oral exige attention intense et réflexion rapide pour s’ajuster à l’inattendu apporté par les autres.
  • D’après mon expérience, cela place dans une situation de vulnérabilité :
    • les enfants allophones
    • les enfants qui parlent français mais disposent, pour s’exprimer, d’un nombre de mots significativement plus réduit que leurs camarades
    • les enfants qui, a priori, ne trouvent aucun sens à cet usage « scolaire » (conceptualisant ? intransitif?) de l’oral
    • les enfants qui, pour des raisons obscures, ne sont pas encore entré.es dans l’oral (iels n’y « croient » pas : iels semblent ne rien en attendre)
    • les enfants dans des situations de handicap qui affectent leur capacité à soutenir un dialogue.
  • Le passage par le dialogue collectif était, déjà, une manière de prendre au sérieux ces difficultés car :
    • Il autorise une temporalité plus lente que l’échange inter-individuel, toujours limité par l’existence des autres et de leurs besoins / demandes intempestives. Dans l’espace du dialogue collectif, on peut se donner le temps de dire, de redire, de préciser…
    • Il crée un espace collectif d’attention aux autres, où le risque de stigmatisation est moins grand, non parce qu’on annule les différences entre les participantes, mais précisément parce qu’on leur prête attention : on en parle, on en tient compte, on les dédramatise…
  • Cela ne suffit pas (toujours). Actuellement, j’essaie donc de repérer – dans les gestes et techniques de dialogue que j’utilise de fait – ce qui tend à renforcer certaines vulnérabilités et ce qui, au contraire, semble les compenser.
    Le critère : qui prend la parole ?
    (Quand ? Pour dire quoi ? Spontanément ou parce que je vais le ou la repêcher? Est-ce que celles et ceux qui ne prennent pas la parole sont, avec nous, dans le dialogue, en situation d’écoute active ou sont-iels ailleurs, sur le bord du dialogue ou en fuite ?…)

Annonce de l’objectif : « Nous allons chercher des idées pour l’améliorer, puis nous allons bien mettre en mémoire les scènes que nous avons décidé car, après, vous allez devoir les écrire ».
Annonce des règles de paroles :
  • « Tout le monde a le droit a la parole. Je donnerai en priorité la parole à celles et ceux qui n’ont pas encore parlé. »
  • « Dans un toilettage, il n’y a pas de réponses vraies ou fausses. Il n’y a pas de mauvaises idées. Même si, au final, une idée que vous proposez n’est pas gardée, elle nous aura permis de nous poser des questions. Elle nous aura aidé à avancer. »
  • « Il n’y a pas de mauvaises prises de paroles. Même si vous ne trouvez pas les bons mots, même si vous passez par des gestes, même si vous ne faites que répéter quelque chose que quelqu’un a déjà dit, c’est important. Vous avez le droit de vous exprimer. Et si vous n’y arrivez pas, le groupe est là pour vous aider. »
  • « Si vous avez le droit à la parole, ça veut aussi un peu dire que tout le monde doit parler : nous avons besoin des idées de tout le monde pour avancer. Sinon le texte ne sera pas vraiment notre texte à tous. Du coup, il peut arriver que je vous demande votre avis, même si vous n’avez pas levé la main. »
Faire émerger la ‘direction artistique’
1. Lecture silencieuse du texte écrit au tableau : « Est-ce que tout le monde a eu le temps de lire le texte ? » (laisser le temps nécessaire pour le faire)
2. Lecture à voix haute du texte (généralement par son autrice) : « Pour améliorer ce texte, il est important qu’on l’ait tous et toutes bien en tête. Est-ce que quelqu’un peut nous le faire entendre et le lire à voix haute ? »
3. Questions à l’autrice originaire :
  • Quel type de texte tu as voulu écrire : une histoire imaginaire ? Une histoire réaliste ? Un poème ? Un documentaire ?
Contrat (actuel) d’une histoire imaginaire :
Une histoire doit avoir un début, un milieu* et une fin.
C’est une histoire imaginaire, du coup il peut se passer des choses bizarres, qui ne sont pas possibles en vrai.

Contrat (actuel) d’une histoire réaliste :
Une histoire doit avoir un début, un milieu* et une fin.
C’est une histoire réaliste, du coup on doit proposer que des choses qui pourraient se passer en vrai.


* Dans les textes actuels, le milieu prend de l’amplitude et je commence à évoquer avec elles et eux l’idée de péripéties (en les comptant et en explicitant les liens logiques : causes / conséquences / …)

Contrat (actuel) d’un poème :
Un poème, ça ne raconte pas forcément une histoire.
Ça exprime des émotions ou des sensations, en utilisant des images, des comparaisons qui peuvent être normales ou étranges.

Contrat (actuel) d’un documentaire :
Un documentaire, ça donne des informations aux autres. Dans un documentaire, on ne peut inventer ou écrire ce qu’on croit. On ne peut écrire que des choses qu’on sait, dont on est sûr parce qu’on a pu les vérifier.
  • Quel ton tu voulais donner à ton histoire / poème : triste ? Joyeux ? Drôle ? Terrifiant ? Tu voulais mélanger plusieurs émotions ?
  • Où est-ce que tu veux mettre ton histoire / poème dans le temps : tu veux l’écrire comme si elle se passait maintenant, dans le présent ? Comme si elle devait se passer plus tard, dans le futur ? Ou comme si elle était déjà passé, déjà terminé, dans le passé ?

(Les 3 questions listées ci-dessus correspondent au degré de finesse de définition de la ‘direction artistique’ que nous avons atteint avec le groupe des CE1 : les 2[sup]ème[/sup] année dans ma classe. Avec les CP, actuellement, nous nous posons les 2 premières questions. Il est vraisemblable que des occasions se présenteront d’affiner les questions ou d’en faire émerger des nouvelles.)

Animer le dialogue
Précision
Les techniques proposées ci-dessous ne servent pas à lancer la discussion. D’après mon expérience, une fois le texte lu, le contrat posé et la direction artistique définie, celle-ci démarre toute seule.
Ces techniques correspondent aux « gestes » que j’ai trouvé pour répondre à chaque parole des enfants, en vue de les tourner vers un creusement des enjeux signifiants du texte.
Dit autrement, ce sont des techniques pour pousser le groupe vers une problématisation de ce que nous sommes, ensemble, en train de chercher à dire.

1) Reformuler pour assurer la compréhension de tous et toutes
  • Logique analogue à celle de la communication non-violente : redire permet à l’autre de vérifier qu’iel a bien été entendu (réciproque : faire redire permet de vérifier si on a bien été entendu)
  • Je reformule chaque proposition des enfants :
    • pour m’assurer de l’avoir bien comprise
    • pour m’assurer que les autres l’ont bien comprise
    • pour la légitimer (« D’accord, donc » « Ah oui ! Du coup », « Donc tu nous dis que… Et ben, c’est {rigolo/impressionnant/poétique/terrible/…} ça, pas mal, essayons de creuser ça » etc.)

2) Relancer par des questions
But : inciter les co-auteurs et co-autrices à s’interroger sur ce que les propositions peuvent apporter au texte.

Question de type 1 : Qu’est-ce qui change ?
Quand je capte que la proposition fait référence / s’inspire d’un élément de la culture de l’enfant ou de la culture de la classe.


«  Ah oui c’est comme dans… Sauf que, dans notre texte, c’est pas… mais… Du coup, je me pose la question : qu’est-ce que ça change que… ? »


Enjeu littéraire : jeu de ressemblances / différences
« Le sens vient de la différence » (Saussure)
« Les différences apparaissent sur fond de ressemblance » (Greimas)
Question de type 2 : Où ça nous mène ?
Quand la proposition propose un changement, qui appelle à s’interroger sur les conséquences de ce changement :


« (reformulation). Et donc ? Si il se passe ça, qu’est-ce que ça va changer ? Qu’est-ce qui va pouvoir se passer après ? »


Enjeu littéraire : creuser la structure narrative, qui est très largement une logique de causes et de conséquences.

Question de type 3 : D’où ça vient ?
Quand la proposition semble un peu sortir de nulle part, elle appelle à préciser ce qu’elle vient faire dans le texte, ce qu’elle apporte.
(principe d’écoute bienveillante : nous partons du principe qu’elle apporte nécessairement quelque chose, même si on ne le voit pas d’emblée ou que son autrice ou son auteur ne parvient pas à le préciser).
«  Donc tu proposes que… Ok, mais pourquoi ? Qu’est-ce qui fait que ça pourrait se passer comme ça ? »


Enjeux littéraires :
cas n°1 : clarification causale (structure narrative → si une conséquence surgit, c’est qu’elle a une raison de surgir, une cause)
cas n°2 : creuser l’intention d’un personnage (Qu’est-ce qui motive tel personnage à faire ça ?)
Question sous-jacente : qu’est-ce qu’on veut que ce personnage représente ou raconte ?

3) Position méta : qualifier la façon dont la parole circule entre les co-auteurs et co-autrices
« Regardez comme c’est intéressant ce qu’est en train de faire M. Elle prolonge la proposition de… en cherchant à dire ce que… »


exemple vécu : Là ce qu’est en train de faire M. c’est de prendre appui sur la proposition de R. de faire atterrir la voiture dans un gâteau. Et elle cherche à préciser ce que ça peut être comme gâteau. C’est vrai qu’on l’a pas précisé, ça. Allons-y, qu’est-ce que ça peut être comme gâteau et qu’est-ce que ça change ? On a déjà une première proposition, celle de M., qui nous dit que ça pourrait être une tarte au citron. D’autres propositions ?


« Ah oui mais si on va par là, on a l’air de se diriger vers une histoire qui… et ce n’est pas ce que A. nous avait demandé au départ. Du coup, A, est-ce que… ? »


exemple vécu : D’accord mais là si le personnage d’I. se noie dans la piscine, il me semble qu’on n’est plus tellement dans une histoire rigolote. On va plutôt vers une histoire triste et je crois que c’est pas ce que nous avait demandé N. Non, d’ailleurs, regarde, elle a pas l’air d’accord du tout. Du coup, ça, c’est pour ton histoire à toi. Et si tu y tiens, tu pourras l’écrire toi-même, dans ton cahier d’écrivain. Mais là on voudrait trouver une fin rigolote. Donc je vous repose la question : comment elle pourrait se terminer notre histoire, pour que la fin soit rigolote ? »
Jean Teissier
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