Chroniques du jeudi.
- Hervé Allesant
- Messages : 83
- Enregistré le : dim. 2 mai 2021 22:40
- Localisation : Marseille
- Contact :
Chroniques du jeudi.
Le jeudi, c’est jour de direction.
Et le soir, pour évacuer tout ça, j’écris.
Et donc je vous le partage ici.
Et le soir, pour évacuer tout ça, j’écris.
Et donc je vous le partage ici.
GD13 - membre du comité d’animation - chantier BTj - chantier des outils informatiques - Enseignant en classe unique urbaine à Marseille.
- Hervé Allesant
- Messages : 83
- Enregistré le : dim. 2 mai 2021 22:40
- Localisation : Marseille
- Contact :
Re: Chroniques du jeudi.
Je me souviens très bien de la première fois où j’ai été confronté à un tract qui comportait de l’écriture inclusive : c’était à deux pas du Restau Le Rouge Belle De Mai ..., en face de la crèche municipale chez qui j’allais chanter le vendredi matin.
Si tu ne connais la Belle de Mai que par la chanson de Renaud, il faut savoir qu’une partie de ce quartier est la plus pauvre d’Europe. Tout l’arc-en-ciel des couleurs de peau y est représenté, c’est moins poétique que dans les chansons de Renaud ou du Petit Bal de Vincent Scotto, mais les sourires y sont les mêmes, la musique ayant cette magie de faire danser universellement les bébés, quel que soit l’endroit où sont nés nos parents et quel que soit le montant de leur compte en banque. Nos sentiments n’ayant pas de couleurs, avec ma guitare à la main, on n’a plus peur de rien.
Je sortais donc de cette crèche, ma guitare sur le dos, un sac d’instruments sur le côté, et j’attendais le 49. Ce bus, ses horaires sont aussi réguliers que la comète de Haley, et sûrement aussi espacés. Et donc, chaque semaine, je faisais un tour dans le quartier, pour aller voir une maison pour tous ou j’avais enseigné la guitare, un épicier ou un forain pour sentir son étal (et peut-être, pas souvent, m’acheter des gâteaux orientaux). Et c’est dans une de ces pérégrinations qu’un jour, je suis tombé face à face avec un tract, pour une manifestation quelconque contre l’un des nombreux droits bafoués des habitants de ce quartier polyglotte.
Au début, je l’avoue, j’étais interloqué. Étrange écriture que ces E suspendus, ces points au milieu des mots. Mais en quelques minutes, mon cerveau s’était adapté, et mon esprit vagabond était reparti chercher une autre aventure sur une devanture de magasin ou dans l’observation d’un habit coloré d’une maman portant son fils sur le dos.
Je voyais ces habitudes prendre leurs aises. Les stages syndicaux, le militantisme, m’exposèrent de plus en plus à cette nouvelle langue, qui se cherchait : E majuscule, point médians, mots épicènes, utilisation du féminin et du masculin systématique ?
J’avoue que je n’y prêtais pas plus attention que ça. Je voyais bien certains qui écrivaient contre, qui écrivaient pour, au nom de... de quoi justement ? D’une langue qu’on annonce en déclin ? Et ça, depuis des siècles ?
D’un vocabulaire qui s’appauvrît ?
D’une complication pour la lecture, pour son « oralisation » (c’est ce que disent les gens qui ont fait des études pour dire « lire à voix haute ».
Un jour, ma classe a reçu une lettre de Jean-Charles. Dans sa classe, ils avaient choisi d’écrire en écriture inclusive, mes CP ont fait la même tête que moi face à mon tract de la Belle de Mai. Mais en quelques minutes, nous étions rentrés dans la lecture de cette lettre, qui nous racontait les petits rien du quotidien de leur classe.
Alors non. Ça ne rend pas la lecture plus difficile. Ce qui la rend difficile, c’est de faire lire des non-mots. Des mots qui n’existent pas. Parce que lire des syllabes sans queue ni tête, ce n’est pas plus dur que lire ami.e, ou amiE, même quand on est dyslexique.
Et non, la langue ne s’appauvrît pas. Elle s’enrichit des mots qui viennent d’ailleurs, et c’est le seul voyage dans le futur qu’on peut s’offrir, quand on écoute parler un de nos adolescents, désespéré de nous entendre dire les expressions de 2016 (comment ça, être swaggy, ça ne se dit pas ? Non papa, t’es vraiment trop un boomer toi...) je lis, j’écoute, des dizaines de poèmes, de chansons, de slams et de slogans sur les murs tellement créatifs, beaux, aériens, chargés de tellement de sentiments exacerbés par cette pandémie qui s’installe. « On va tous mûrir » « foutez nous la paix mondiale », et ces slogans en capitales d’imprimerie, sur des feuilles A4, rappelant les horreurs que subissent les femmes au quotidien, et qui nous rappellent, comme le battement d’une horloge sinistre, les mortes qui disparaissent sous les coups de leurs compagnons.
Et aujourd’hui, à 17h16, dans mon bureau de directeur, j’ai reçu le bulletin officiel qui annonce que désormais, utiliser l’écriture inclusive à l’école est interdit.
Quelle idée. Avec tout ce qu’on aurait pu rendre obligatoire, la musique, la danse, enseigner la créativité, devoir écrire à d’autres classes, dans un ailleurs que j’ignore, et qui contribuera à foutre la paix mondiale, mais aussi tout ce qu’on pourrait interdire, que les mamans arrêtent de mourir sous les coups d’un papa, ou bien que des gamins n’arrivent pas à l’école le ventre vide ou les pieds sales, vous n’avez trouvé que ça ?
Que de petites gens, qui se préoccupent des traces d’encre sur le papier, et qui sont aveugles au vol majestueux de nos langues, vivantes, sources de plaisir, de jeux, d’humour et de partage. Je n’ai jamais vraiment utilisé l’écriture inclusive, sinon pour écrire des bêtises avec Serge Scotto, comme dans la phrase « le.a candidat.e suivant.e est un.e candidat.e », référence à Coluche. Mais s’en moquer, s’en offusquer, ce n’est pas minable comme l’interdire. Surtout quand c’est drôle.
Mais je crois que dès demain, en conscience, je désobéirai. Merd.e
Si tu ne connais la Belle de Mai que par la chanson de Renaud, il faut savoir qu’une partie de ce quartier est la plus pauvre d’Europe. Tout l’arc-en-ciel des couleurs de peau y est représenté, c’est moins poétique que dans les chansons de Renaud ou du Petit Bal de Vincent Scotto, mais les sourires y sont les mêmes, la musique ayant cette magie de faire danser universellement les bébés, quel que soit l’endroit où sont nés nos parents et quel que soit le montant de leur compte en banque. Nos sentiments n’ayant pas de couleurs, avec ma guitare à la main, on n’a plus peur de rien.
Je sortais donc de cette crèche, ma guitare sur le dos, un sac d’instruments sur le côté, et j’attendais le 49. Ce bus, ses horaires sont aussi réguliers que la comète de Haley, et sûrement aussi espacés. Et donc, chaque semaine, je faisais un tour dans le quartier, pour aller voir une maison pour tous ou j’avais enseigné la guitare, un épicier ou un forain pour sentir son étal (et peut-être, pas souvent, m’acheter des gâteaux orientaux). Et c’est dans une de ces pérégrinations qu’un jour, je suis tombé face à face avec un tract, pour une manifestation quelconque contre l’un des nombreux droits bafoués des habitants de ce quartier polyglotte.
Au début, je l’avoue, j’étais interloqué. Étrange écriture que ces E suspendus, ces points au milieu des mots. Mais en quelques minutes, mon cerveau s’était adapté, et mon esprit vagabond était reparti chercher une autre aventure sur une devanture de magasin ou dans l’observation d’un habit coloré d’une maman portant son fils sur le dos.
Je voyais ces habitudes prendre leurs aises. Les stages syndicaux, le militantisme, m’exposèrent de plus en plus à cette nouvelle langue, qui se cherchait : E majuscule, point médians, mots épicènes, utilisation du féminin et du masculin systématique ?
J’avoue que je n’y prêtais pas plus attention que ça. Je voyais bien certains qui écrivaient contre, qui écrivaient pour, au nom de... de quoi justement ? D’une langue qu’on annonce en déclin ? Et ça, depuis des siècles ?
D’un vocabulaire qui s’appauvrît ?
D’une complication pour la lecture, pour son « oralisation » (c’est ce que disent les gens qui ont fait des études pour dire « lire à voix haute ».
Un jour, ma classe a reçu une lettre de Jean-Charles. Dans sa classe, ils avaient choisi d’écrire en écriture inclusive, mes CP ont fait la même tête que moi face à mon tract de la Belle de Mai. Mais en quelques minutes, nous étions rentrés dans la lecture de cette lettre, qui nous racontait les petits rien du quotidien de leur classe.
Alors non. Ça ne rend pas la lecture plus difficile. Ce qui la rend difficile, c’est de faire lire des non-mots. Des mots qui n’existent pas. Parce que lire des syllabes sans queue ni tête, ce n’est pas plus dur que lire ami.e, ou amiE, même quand on est dyslexique.
Et non, la langue ne s’appauvrît pas. Elle s’enrichit des mots qui viennent d’ailleurs, et c’est le seul voyage dans le futur qu’on peut s’offrir, quand on écoute parler un de nos adolescents, désespéré de nous entendre dire les expressions de 2016 (comment ça, être swaggy, ça ne se dit pas ? Non papa, t’es vraiment trop un boomer toi...) je lis, j’écoute, des dizaines de poèmes, de chansons, de slams et de slogans sur les murs tellement créatifs, beaux, aériens, chargés de tellement de sentiments exacerbés par cette pandémie qui s’installe. « On va tous mûrir » « foutez nous la paix mondiale », et ces slogans en capitales d’imprimerie, sur des feuilles A4, rappelant les horreurs que subissent les femmes au quotidien, et qui nous rappellent, comme le battement d’une horloge sinistre, les mortes qui disparaissent sous les coups de leurs compagnons.
Et aujourd’hui, à 17h16, dans mon bureau de directeur, j’ai reçu le bulletin officiel qui annonce que désormais, utiliser l’écriture inclusive à l’école est interdit.
Quelle idée. Avec tout ce qu’on aurait pu rendre obligatoire, la musique, la danse, enseigner la créativité, devoir écrire à d’autres classes, dans un ailleurs que j’ignore, et qui contribuera à foutre la paix mondiale, mais aussi tout ce qu’on pourrait interdire, que les mamans arrêtent de mourir sous les coups d’un papa, ou bien que des gamins n’arrivent pas à l’école le ventre vide ou les pieds sales, vous n’avez trouvé que ça ?
Que de petites gens, qui se préoccupent des traces d’encre sur le papier, et qui sont aveugles au vol majestueux de nos langues, vivantes, sources de plaisir, de jeux, d’humour et de partage. Je n’ai jamais vraiment utilisé l’écriture inclusive, sinon pour écrire des bêtises avec Serge Scotto, comme dans la phrase « le.a candidat.e suivant.e est un.e candidat.e », référence à Coluche. Mais s’en moquer, s’en offusquer, ce n’est pas minable comme l’interdire. Surtout quand c’est drôle.
Mais je crois que dès demain, en conscience, je désobéirai. Merd.e
GD13 - membre du comité d’animation - chantier BTj - chantier des outils informatiques - Enseignant en classe unique urbaine à Marseille.
- Hervé Allesant
- Messages : 83
- Enregistré le : dim. 2 mai 2021 22:40
- Localisation : Marseille
- Contact :
Re: Chroniques du jeudi.
Chronique de la cantine.
Enfant, j'étais dans une école qui serait classée en REP. La plupart des minots ne parlaient pas français à la maison, et quand j'allais chez eux, souvent, ils dormaient avec un matelas par terre par manque de place dans la maison.
Je ne me souviens pas du visage de mes maîtres ou maîtresses avant le CE1. A la maternelle, je me souviens de mes "tatas". Partout ailleurs, on les appelle les ATSEM, Agent Territorial Spécialise de l'Ecole Maternelle. Chez nous, c'est des "tatas". On arrive pas à enchaîner le T et le S avé l'accent...
A la maternelle du Rouet, il y en avaient deux, peut-être des jumelles, qui avaient le visage buriné par le soleil d’avoir trop surveillé la cour. De temps en temps, on regardait l’une d’elle faire tourner le panier à salade pour l’essorer. Le midi, on mangeait ce qu’aurait préparé une mamie ou une tante attentionnée : souvent des gratins, avec des légumes de saisons, avec assez de crème et de fromage pour qu’on les avale. On les croisaient dans le quartier, coordonnées dans leurs habits, comme deux personnages de dessins animés.
La cuisinière avait le temps de venir nous demander, vers la fin du service, si on aimait ce qu’elle avait préparé. Et, comme beaucoup d’entre nous venions d’une famille méditerranéenne, nous savions que nous ferions plaisir en disant que oui, et qu’on en voulait encore. Quelle que soit sa couleur de peau, une maman est heureuse quand tu dis que tu te régales.
J’ai toujours mangé à la cantine. Ma maman infirmière n’avait pas le temps de cuisiner, et le peu d’essais qu’elle avait fait montraient qu’il valait mieux qu’elle pique et soigne plutôt qu’elle cuisine… Pour ma vie professionnelle, j’ai toujours mangé à la cantine. A Gréasque, un maire militant refusait qu’une société rentre dans les locaux de l’école : tout était préparé sur place, localement, et de saison. Je retrouvais les saveurs d’autrefois, du Rouet, dans les gratins préparés dans la cuisine par des mains, sinon expertes, en tout cas qui avaient le temps de nous régaler.
Et l’on a commencé à vouloir gagner de la place. Installer un self-service, parce qu’en moyenne, ça fait gagner du temps, de la place, et donc de l’argent. Comme on installe des escalators pour faire sortir les gens plus vite du métro, le self permet, comme dans les cauchemars les plus fous que dénonçait Chaplin dans « Les Temps Modernes », de faire manger plus d’enfants dans moins d’espace/temps. Le self, c'est la DeLorean de la malbouffe.
Pour gagner encore plus d’espace, on a rétrécit les cuisines, désormais réduites à quelques frigos, de quoi réchauffer les plats qui arrivent en barquette plastique et un lave vaisselle industriel.
« Maman, ils ont industrialisé la cantine ». Moi qui, enfant, regardait Jean-Pierre Coffe qui s’énervait contre une tranche de jambon, je suis désormais en colère, vieux con que je suis devenu. Où sont les regards pétillants de la tata fière de partager son savoir -faire dans le plat commun des minots ? Où sont nos « RAB » de flans, fabriqué à partir des « flans de France » de la rue Louis Rège, dont les ateliers embaumaient notre trajet vers l’école d’effluves de vanille tous les matins ?
Désormais, tout le monde mange du flamby. Les plats, même s’ils ne sont pas mauvais, ne sont pas partagés, la ligne de démarcation des plateaux empêchent que l’on fasse glisser vers un copain le biscuit qu’on ne veut pas finir. Et les tatas doivent faire transiter les minots comme on doit faire avancer le bétail dans les couloirs des abattoirs…
Donc vendredi, quand elles seront en grève, je les soutiendrai. Pour nos tatas, pour nos minots. Pour l'odeur perdue de vanille de mes trajets vers l'école du Rouet.
Enfant, j'étais dans une école qui serait classée en REP. La plupart des minots ne parlaient pas français à la maison, et quand j'allais chez eux, souvent, ils dormaient avec un matelas par terre par manque de place dans la maison.
Je ne me souviens pas du visage de mes maîtres ou maîtresses avant le CE1. A la maternelle, je me souviens de mes "tatas". Partout ailleurs, on les appelle les ATSEM, Agent Territorial Spécialise de l'Ecole Maternelle. Chez nous, c'est des "tatas". On arrive pas à enchaîner le T et le S avé l'accent...
A la maternelle du Rouet, il y en avaient deux, peut-être des jumelles, qui avaient le visage buriné par le soleil d’avoir trop surveillé la cour. De temps en temps, on regardait l’une d’elle faire tourner le panier à salade pour l’essorer. Le midi, on mangeait ce qu’aurait préparé une mamie ou une tante attentionnée : souvent des gratins, avec des légumes de saisons, avec assez de crème et de fromage pour qu’on les avale. On les croisaient dans le quartier, coordonnées dans leurs habits, comme deux personnages de dessins animés.
La cuisinière avait le temps de venir nous demander, vers la fin du service, si on aimait ce qu’elle avait préparé. Et, comme beaucoup d’entre nous venions d’une famille méditerranéenne, nous savions que nous ferions plaisir en disant que oui, et qu’on en voulait encore. Quelle que soit sa couleur de peau, une maman est heureuse quand tu dis que tu te régales.
J’ai toujours mangé à la cantine. Ma maman infirmière n’avait pas le temps de cuisiner, et le peu d’essais qu’elle avait fait montraient qu’il valait mieux qu’elle pique et soigne plutôt qu’elle cuisine… Pour ma vie professionnelle, j’ai toujours mangé à la cantine. A Gréasque, un maire militant refusait qu’une société rentre dans les locaux de l’école : tout était préparé sur place, localement, et de saison. Je retrouvais les saveurs d’autrefois, du Rouet, dans les gratins préparés dans la cuisine par des mains, sinon expertes, en tout cas qui avaient le temps de nous régaler.
Et l’on a commencé à vouloir gagner de la place. Installer un self-service, parce qu’en moyenne, ça fait gagner du temps, de la place, et donc de l’argent. Comme on installe des escalators pour faire sortir les gens plus vite du métro, le self permet, comme dans les cauchemars les plus fous que dénonçait Chaplin dans « Les Temps Modernes », de faire manger plus d’enfants dans moins d’espace/temps. Le self, c'est la DeLorean de la malbouffe.
Pour gagner encore plus d’espace, on a rétrécit les cuisines, désormais réduites à quelques frigos, de quoi réchauffer les plats qui arrivent en barquette plastique et un lave vaisselle industriel.
« Maman, ils ont industrialisé la cantine ». Moi qui, enfant, regardait Jean-Pierre Coffe qui s’énervait contre une tranche de jambon, je suis désormais en colère, vieux con que je suis devenu. Où sont les regards pétillants de la tata fière de partager son savoir -faire dans le plat commun des minots ? Où sont nos « RAB » de flans, fabriqué à partir des « flans de France » de la rue Louis Rège, dont les ateliers embaumaient notre trajet vers l’école d’effluves de vanille tous les matins ?
Désormais, tout le monde mange du flamby. Les plats, même s’ils ne sont pas mauvais, ne sont pas partagés, la ligne de démarcation des plateaux empêchent que l’on fasse glisser vers un copain le biscuit qu’on ne veut pas finir. Et les tatas doivent faire transiter les minots comme on doit faire avancer le bétail dans les couloirs des abattoirs…
Donc vendredi, quand elles seront en grève, je les soutiendrai. Pour nos tatas, pour nos minots. Pour l'odeur perdue de vanille de mes trajets vers l'école du Rouet.
GD13 - membre du comité d’animation - chantier BTj - chantier des outils informatiques - Enseignant en classe unique urbaine à Marseille.
- Hervé Allesant
- Messages : 83
- Enregistré le : dim. 2 mai 2021 22:40
- Localisation : Marseille
- Contact :
Re: Chroniques du jeudi.
« Mais c’est ça !!! » S’écria à voix haute le journaliste, malgré lui.
« Comment ? » demanda l’interviewé, en rajustant sa veste de costume bleue nuit, une belle couleur neutre, moins triste que le noir, qui passe moins bien à l’écran.
« Excusez moi, je pensais tout haut. » balbutia le journaliste, et en se tournant vers la caméra 3, il dit d’une traite son texte traditionnel de fin d’émission.
« Merci de me permettre de présenter ce projet contre la faim dans le monde et la malnutrition » dit le président, se préparant à quitter le plateau.
Le journaliste était encore sous le choc de sa révélation. Face à lui, il avait le sosie de Ted Bundy, ce tueur en série abject qui, s’il n’avait pas eu le goût de la chair humaine, serait sûrement devenu un grand avocat. C’est le juge qui le condamna à mort qui le regretta, entre deux phrases de sa sentence.
« Que je vérifie si je comprends bien, monsieur » balbutia le journaliste. « En quelques phrases, pourriez-vous résumer votre approche pour traiter ce fléau de la faim dans le monde ? »
« Avec plaisir. Le problème de ceux qui ont faim, c’est qu’ils n’ont pas à manger… Voyez-vous ? » ses yeux sans expression, comme ceux d’un grand requin gris, glaçaient le journaliste comme une biche prise dans des phares de voiture. « Alors, il suffit de permettre à ces gens d’acheter de la nourriture. Qui mieux que Mac Donald’s, KFC, et Burger King pour nourrir la planète ? C’est ce qu’ils font tous les jours partout dans le monde !»
Le journaliste toussa pour cacher un rire nerveux qui naissait dans le fond de sa gorge. Ou bien était-ce l’envie de vomir ? « Mais, créer un restaurant dans... »
-« Des zones franches. Vous n’êtes pas le premier à douter. Mais c’est bien ficelé ce projet mon garçon. C’est ce qu’on a fait à Marseille, avec les écoles. Désormais, 45 de leurs groupes scolaires sont dans le top 200 du classement PISA. Avec la très belle performance de l’école GROUPAMA de la Belle de Mai, qui s’est classée dans le top 3, juste derrière une école de Corée du Nord, mais qui corrige physiquement ses mauvais élèves, et cette école libre de Palo Alto, mais eux ils trichent, c’est seulement des fils de chefs d’entreprises... »
-« Monsieur le président, et les 434 autres écoles ? »
-« La sélection naturelle ! Si leurs parents ne se bougent pas pour qu’ils essaient d’intégrer une école laboratoire, pourquoi on devrait compenser leur manque de motivation ? Déjà qu’ils passent leur journée devant des écrans plats achetés avec l’argent qu’on leur octroie en septembre. »
S’était-il léché les lèvres ? Le journaliste voulait mettre fin à cet entretien désormais. La clim’ semblait s’être emballée, des sueurs froides lui dégoulinaient dans le dos.
« Aide toi, et le ciel t’aidera. C’est comme ça depuis la nuit des temps. Le mouton malade permet aux autres de survivre dans la forêt, quand le loup rode. En se faisant bouffer par les prédateurs, il assure la survie des meilleurs. On veut une école de moutons ou de loups ? » Les pupilles de l’élu semblaient s’être agrandies, pour occuper tout l’espace des yeux. « Parce que c’est notre projeeeeeet. A la Belle de Mai, l’immobilier a d’ailleurs explosé, plus de 300 % de plus value, quand les parents ont appris qu’une école Montessori publique allait ouvrir sur la place Cadenat, qui était considérée avant cela comme le quartier le plus pauvre d’Europe. Les investisseurs ont fait une jolie plus value. Ils ont même fait se déplacer Céline pour l’inauguration et l’accueil des contractuels.»
Désormais, le journaliste tremblait. « Et les autres ? » répéta-t-il ?
« Nos élites les guideront. Tant qu’on les assomme avec des matchs de l’OM et de l’alcool bon marché, ils se tiend...»
« Monsieur le président » dit un des hommes en noir en s’approchant de lui.
« Je dois vous laisser, merci pour votre tribune » dit l’homme en clignant d’un œil. Il se leva, et en quelques secondes, plus de trace de sa présence dans le studio de télévision. ».
Le journaliste se dit que finalement, il préférait ça au camp de travail. Il éteignit son ordinateur et rentra chez lui, il y avait un match à la télé ce soir.
« Comment ? » demanda l’interviewé, en rajustant sa veste de costume bleue nuit, une belle couleur neutre, moins triste que le noir, qui passe moins bien à l’écran.
« Excusez moi, je pensais tout haut. » balbutia le journaliste, et en se tournant vers la caméra 3, il dit d’une traite son texte traditionnel de fin d’émission.
« Merci de me permettre de présenter ce projet contre la faim dans le monde et la malnutrition » dit le président, se préparant à quitter le plateau.
Le journaliste était encore sous le choc de sa révélation. Face à lui, il avait le sosie de Ted Bundy, ce tueur en série abject qui, s’il n’avait pas eu le goût de la chair humaine, serait sûrement devenu un grand avocat. C’est le juge qui le condamna à mort qui le regretta, entre deux phrases de sa sentence.
« Que je vérifie si je comprends bien, monsieur » balbutia le journaliste. « En quelques phrases, pourriez-vous résumer votre approche pour traiter ce fléau de la faim dans le monde ? »
« Avec plaisir. Le problème de ceux qui ont faim, c’est qu’ils n’ont pas à manger… Voyez-vous ? » ses yeux sans expression, comme ceux d’un grand requin gris, glaçaient le journaliste comme une biche prise dans des phares de voiture. « Alors, il suffit de permettre à ces gens d’acheter de la nourriture. Qui mieux que Mac Donald’s, KFC, et Burger King pour nourrir la planète ? C’est ce qu’ils font tous les jours partout dans le monde !»
Le journaliste toussa pour cacher un rire nerveux qui naissait dans le fond de sa gorge. Ou bien était-ce l’envie de vomir ? « Mais, créer un restaurant dans... »
-« Des zones franches. Vous n’êtes pas le premier à douter. Mais c’est bien ficelé ce projet mon garçon. C’est ce qu’on a fait à Marseille, avec les écoles. Désormais, 45 de leurs groupes scolaires sont dans le top 200 du classement PISA. Avec la très belle performance de l’école GROUPAMA de la Belle de Mai, qui s’est classée dans le top 3, juste derrière une école de Corée du Nord, mais qui corrige physiquement ses mauvais élèves, et cette école libre de Palo Alto, mais eux ils trichent, c’est seulement des fils de chefs d’entreprises... »
-« Monsieur le président, et les 434 autres écoles ? »
-« La sélection naturelle ! Si leurs parents ne se bougent pas pour qu’ils essaient d’intégrer une école laboratoire, pourquoi on devrait compenser leur manque de motivation ? Déjà qu’ils passent leur journée devant des écrans plats achetés avec l’argent qu’on leur octroie en septembre. »
S’était-il léché les lèvres ? Le journaliste voulait mettre fin à cet entretien désormais. La clim’ semblait s’être emballée, des sueurs froides lui dégoulinaient dans le dos.
« Aide toi, et le ciel t’aidera. C’est comme ça depuis la nuit des temps. Le mouton malade permet aux autres de survivre dans la forêt, quand le loup rode. En se faisant bouffer par les prédateurs, il assure la survie des meilleurs. On veut une école de moutons ou de loups ? » Les pupilles de l’élu semblaient s’être agrandies, pour occuper tout l’espace des yeux. « Parce que c’est notre projeeeeeet. A la Belle de Mai, l’immobilier a d’ailleurs explosé, plus de 300 % de plus value, quand les parents ont appris qu’une école Montessori publique allait ouvrir sur la place Cadenat, qui était considérée avant cela comme le quartier le plus pauvre d’Europe. Les investisseurs ont fait une jolie plus value. Ils ont même fait se déplacer Céline pour l’inauguration et l’accueil des contractuels.»
Désormais, le journaliste tremblait. « Et les autres ? » répéta-t-il ?
« Nos élites les guideront. Tant qu’on les assomme avec des matchs de l’OM et de l’alcool bon marché, ils se tiend...»
« Monsieur le président » dit un des hommes en noir en s’approchant de lui.
« Je dois vous laisser, merci pour votre tribune » dit l’homme en clignant d’un œil. Il se leva, et en quelques secondes, plus de trace de sa présence dans le studio de télévision. ».
Le journaliste se dit que finalement, il préférait ça au camp de travail. Il éteignit son ordinateur et rentra chez lui, il y avait un match à la télé ce soir.
GD13 - membre du comité d’animation - chantier BTj - chantier des outils informatiques - Enseignant en classe unique urbaine à Marseille.
- Hervé Allesant
- Messages : 83
- Enregistré le : dim. 2 mai 2021 22:40
- Localisation : Marseille
- Contact :
Re: Chroniques du jeudi.
Le blaireau grisonnant, reposé de l’été,
où communication, il fit à satiété,
des sujets secondaires, polémiques inutiles
cachant le triste état, de l’école bidonville.
« J’augmente vos salaires » dit-il à quelques-uns.
« Ce n’est pas ça qui coince, ce sont les vrais moyens ! »
Des personnes, des aides, des classes moins chargées,
ou chaque élève sera vraiment accompagné,
où plus que réussir, nous émanciperons,
les futurs citoyens, d’une grande Nation.
« Il est bien mon protocole ? » renchérit le blaireau
tout fier de colorier ses incongrus tableaux.
« Il est inapplicable » se tue à répéter
le personnel à bout, de n’être pas écouté.
« Et mes PIAL, ils vous plaisent ? »
renchérit le blaireau, en attisant les braises.
« Une rentrée en chanson » désormais, il radote,
le personnel voudrait, comme les sans-culottes,
sortir ses fourches, plus que ses masques.
« École apprenante » dit le petit être flasque.
Convaincus de la surdité du mustélidé,
quand approcha la date de la future rentrée,
il fut catégorisé, avec tous les nuisibles,
et l’on n’écouta plus cet animal risible.
où communication, il fit à satiété,
des sujets secondaires, polémiques inutiles
cachant le triste état, de l’école bidonville.
« J’augmente vos salaires » dit-il à quelques-uns.
« Ce n’est pas ça qui coince, ce sont les vrais moyens ! »
Des personnes, des aides, des classes moins chargées,
ou chaque élève sera vraiment accompagné,
où plus que réussir, nous émanciperons,
les futurs citoyens, d’une grande Nation.
« Il est bien mon protocole ? » renchérit le blaireau
tout fier de colorier ses incongrus tableaux.
« Il est inapplicable » se tue à répéter
le personnel à bout, de n’être pas écouté.
« Et mes PIAL, ils vous plaisent ? »
renchérit le blaireau, en attisant les braises.
« Une rentrée en chanson » désormais, il radote,
le personnel voudrait, comme les sans-culottes,
sortir ses fourches, plus que ses masques.
« École apprenante » dit le petit être flasque.
Convaincus de la surdité du mustélidé,
quand approcha la date de la future rentrée,
il fut catégorisé, avec tous les nuisibles,
et l’on n’écouta plus cet animal risible.
GD13 - membre du comité d’animation - chantier BTj - chantier des outils informatiques - Enseignant en classe unique urbaine à Marseille.
- Hervé Allesant
- Messages : 83
- Enregistré le : dim. 2 mai 2021 22:40
- Localisation : Marseille
- Contact :
Re: Chroniques du jeudi.
Le monde brûle, mais nous ferons du jardinage. Nous ferons pousser des carottes, dans notre enclos vert et luxuriant. Nous apprendrons les fruits et légumes de saisons, quand d'autres mangent le mil dans des galettes de boue, leurs bêtes étant mortes de la sécheresse.
Le monde se noie. Mais nous irons à la piscine. Nous mettrons un bonnet de silicone qui tire un peu sur les cheveux. Certains ne voudront pas venir, car il fait un peu froid, mais pas autant qu'au fond de la méditerranée, où reposent on ne sait combien de vos semblables, fuyant la misère ou la guerre de la terre de leurs parents.
On mettra des bottes les jours de pluie, pour éviter de mouiller nos chaussettes. Cette même pluie qui emporta des maisons, des collines entières, créant des torrents de boue meurtriers.
On lira des histoires de princes et de princesses, pendant qu'on assassine au nom d'un dieu inventé des femmes et des petites filles, parce qu'elles sont venues au monde.
Nous chanterons des chansons gaies, lumineuses, là ou des poètes sont muselés, mutilés.
Nous apprendrons l'orthographe, la conjugaison, car nous pouvons encore écrire, contrairement à ceux que l'on censure, qui croupissent en prison pour avoir écrit la Vérité.
Nous relèverons les températures sur notre thermomètre mural, pour apprendre à créer un graphique. J'espère qu'on n'atteindra pas les extrêmes de Sicile de cet été.
Que de savoirs dérisoires, face aux urgences face à nous.
La résistance ne suffit plus. Protester ne marche pas.
Il nous faut une révolution. Ça commence le 2 septembre.
Le monde se noie. Mais nous irons à la piscine. Nous mettrons un bonnet de silicone qui tire un peu sur les cheveux. Certains ne voudront pas venir, car il fait un peu froid, mais pas autant qu'au fond de la méditerranée, où reposent on ne sait combien de vos semblables, fuyant la misère ou la guerre de la terre de leurs parents.
On mettra des bottes les jours de pluie, pour éviter de mouiller nos chaussettes. Cette même pluie qui emporta des maisons, des collines entières, créant des torrents de boue meurtriers.
On lira des histoires de princes et de princesses, pendant qu'on assassine au nom d'un dieu inventé des femmes et des petites filles, parce qu'elles sont venues au monde.
Nous chanterons des chansons gaies, lumineuses, là ou des poètes sont muselés, mutilés.
Nous apprendrons l'orthographe, la conjugaison, car nous pouvons encore écrire, contrairement à ceux que l'on censure, qui croupissent en prison pour avoir écrit la Vérité.
Nous relèverons les températures sur notre thermomètre mural, pour apprendre à créer un graphique. J'espère qu'on n'atteindra pas les extrêmes de Sicile de cet été.
Que de savoirs dérisoires, face aux urgences face à nous.
La résistance ne suffit plus. Protester ne marche pas.
Il nous faut une révolution. Ça commence le 2 septembre.
GD13 - membre du comité d’animation - chantier BTj - chantier des outils informatiques - Enseignant en classe unique urbaine à Marseille.
- Hervé Allesant
- Messages : 83
- Enregistré le : dim. 2 mai 2021 22:40
- Localisation : Marseille
- Contact :
Re: Chroniques du jeudi.
Chers parents, chers élèves,
j'ai pris connaissance de votre cadeau commun ce soir qui m'a beaucoup touché.
Ce télescope me permettra de m'émerveiller et de tenter d'émerveiller des générations d'élèves.
Peut-être que vous ne connaissez pas l'origine de l'idée de ce cadeau.
Il y a quelques années, je lisais dans le journal "le Monde" que les futurs astronautes qui exploreront la planète Mars avaient l'âge des élèves de CE2. Je me suis donc fixé, dans ma carrière, à avoir au moins un des enfants qui transitera par ma classe qui soit impliqué, une fois adulte, dans la conquête spatiale martienne.
Sauf qu'en réalité, ce n'est pas si simple. De quoi auront-ils besoin sur Mars ? Du travail d'équipe. De la gnaque, de créativité. D'envie de vivre, ou survivre, d'aller jusqu'au bout des choses. De penser "en dehors de la boîte".
Pouvoir écrire des poésies, pour décrire les nouveaux paysages qui s'offriront à eux, parce qu'on sait que les photos ne montrent pas ce que nos yeux n'arrivent pas à voir. Savoir décider ensemble, proposer, coopérer, mener à terme un projet, prendre des initiatives.
Quand on fait le rétroplanning de ce type de programme, ça met en perspective certaines matières scolaires, et met rapidement sur le devant de la scène certaines urgences ; le climat, son dérèglement, l'amour et la protection de notre maison commune, la Terre, la volonté de construire un monde plus juste, plus fraternel, plus humain.
Dans ma classe, rien n'est orienté vers autre chose que ces objectifs. Les apprentissages scolaires ne se font finalement que comme un "bénéfice collatéral".
Régulièrement, je les observe travailler, et je me demande laquelle ou lequel explorera Mars. Mais aussi lequel me soignera une fois vieux, laquelle sera maitresse d'école, en espérant qu'ils et elles auront choisi ce qu'ils et elles feront et seront simplement heureuses et heureux.
Nous empruntons la Terre de nos enfants. Pendant quelques mois, j'ai tenté de faire en sorte que, lorsqu'on leur laissera les clés de ce petit bout de pierre insignifiant, nous puissions être fiers de ce qu'ils construiront, là où nous, adultes d'aujourd'hui, n'avons pas été capables de nous mettre d'accord sur l'urgence des décisions à prendre.
Donc,
Il y a quelques années, je proposais à un inspecteur, comme critère d'évaluation, qu'un ou plusieurs de mes élèves fassent partie de la conquête martienne pour évaluer la réussite d'un projet de classe. J'ai reçu une réponse me demandant de "choisir des critères réalistes".
Il y a deux ans, j'ai soumis exactement le même projet. Cette fois-ci, il a été accepté.
Rendez-vous dans 20 ans, nous te regarderons, avec la classe que j'aurai avec moi, grâce à mon télescope.
Nous attendrons ton message.
Vers l'infini et au-delà.
Bonnes vacances à tous,
Hervé
j'ai pris connaissance de votre cadeau commun ce soir qui m'a beaucoup touché.
Ce télescope me permettra de m'émerveiller et de tenter d'émerveiller des générations d'élèves.
Peut-être que vous ne connaissez pas l'origine de l'idée de ce cadeau.
Il y a quelques années, je lisais dans le journal "le Monde" que les futurs astronautes qui exploreront la planète Mars avaient l'âge des élèves de CE2. Je me suis donc fixé, dans ma carrière, à avoir au moins un des enfants qui transitera par ma classe qui soit impliqué, une fois adulte, dans la conquête spatiale martienne.
Sauf qu'en réalité, ce n'est pas si simple. De quoi auront-ils besoin sur Mars ? Du travail d'équipe. De la gnaque, de créativité. D'envie de vivre, ou survivre, d'aller jusqu'au bout des choses. De penser "en dehors de la boîte".
Pouvoir écrire des poésies, pour décrire les nouveaux paysages qui s'offriront à eux, parce qu'on sait que les photos ne montrent pas ce que nos yeux n'arrivent pas à voir. Savoir décider ensemble, proposer, coopérer, mener à terme un projet, prendre des initiatives.
Quand on fait le rétroplanning de ce type de programme, ça met en perspective certaines matières scolaires, et met rapidement sur le devant de la scène certaines urgences ; le climat, son dérèglement, l'amour et la protection de notre maison commune, la Terre, la volonté de construire un monde plus juste, plus fraternel, plus humain.
Dans ma classe, rien n'est orienté vers autre chose que ces objectifs. Les apprentissages scolaires ne se font finalement que comme un "bénéfice collatéral".
Régulièrement, je les observe travailler, et je me demande laquelle ou lequel explorera Mars. Mais aussi lequel me soignera une fois vieux, laquelle sera maitresse d'école, en espérant qu'ils et elles auront choisi ce qu'ils et elles feront et seront simplement heureuses et heureux.
Nous empruntons la Terre de nos enfants. Pendant quelques mois, j'ai tenté de faire en sorte que, lorsqu'on leur laissera les clés de ce petit bout de pierre insignifiant, nous puissions être fiers de ce qu'ils construiront, là où nous, adultes d'aujourd'hui, n'avons pas été capables de nous mettre d'accord sur l'urgence des décisions à prendre.
Donc,
Il y a quelques années, je proposais à un inspecteur, comme critère d'évaluation, qu'un ou plusieurs de mes élèves fassent partie de la conquête martienne pour évaluer la réussite d'un projet de classe. J'ai reçu une réponse me demandant de "choisir des critères réalistes".
Il y a deux ans, j'ai soumis exactement le même projet. Cette fois-ci, il a été accepté.
Rendez-vous dans 20 ans, nous te regarderons, avec la classe que j'aurai avec moi, grâce à mon télescope.
Nous attendrons ton message.
Vers l'infini et au-delà.
Bonnes vacances à tous,
Hervé
GD13 - membre du comité d’animation - chantier BTj - chantier des outils informatiques - Enseignant en classe unique urbaine à Marseille.
- Hervé Allesant
- Messages : 83
- Enregistré le : dim. 2 mai 2021 22:40
- Localisation : Marseille
- Contact :
Re: Chroniques du jeudi.
Je me souviens de vos têtes, quand vous avez vu ces vieux ordinosaures, en fond de classe.
Je me souviens de toi, T. quand tu as compris que tu avais le droit d'aller voir et revoir la vidéo de la lecture du jour, parce qu'en CE1, tu n'y arrivais toujours pas. Je me souviens de tes yeux, quand ça a fait "clic". J'ai encore du mal à parler de toi sans émotion, 8 ans après. Tu as appris à lire, à nager, à travailler en souriant cette année là.
Je me souviens de la tête de l'inspecteur, quand il m'a interdit d'utiliser Twitter avec vous.
Je me souviens également de son ton de voix, quand quelques années plus tard, il m'a demandé d'intervenir pour former d'autres enseignants à ce réseau social, pour des fins pédagogiques.
Je me souviens de la conseillère pédagogique, qui ne croyait pas à ce que vous aviez créé en codant, persuadée qu'un élève ne pouvait apprendre qu'avec des leçons.
Je me souviens des copains enseignants qui m'ont demandé de l'aide, pour changer leur façon de faire en classe en utilisant le numérique.
Je me souviens de cette inspectrice, qui ne voulait pas que je travaille comme je travaillais. Qui ne voulait pas que vous travailliez comme vous travailliez. Parce que travail et plaisir, selon elle, sont incompatibles. Dans son cas, c'est sûrement vrai.
Je me souviens de sa tête, à la réunion de ceux qui étaient admissibles.
Demain, j'ai un quart d'heure. Pour leur parler de vous. Pour leur parler de eux, pour parler de elle. Pour leur parler de toi, T. parce qu'on va leur montrer, qu'une autre école est possible, promis, j'essaierai de rester de marbre.
Parce que je ne serai pas seul. Vous serez tous avec moi. Et on va aller vers l'infini et au delà.
Je me souviens de toi, T. quand tu as compris que tu avais le droit d'aller voir et revoir la vidéo de la lecture du jour, parce qu'en CE1, tu n'y arrivais toujours pas. Je me souviens de tes yeux, quand ça a fait "clic". J'ai encore du mal à parler de toi sans émotion, 8 ans après. Tu as appris à lire, à nager, à travailler en souriant cette année là.
Je me souviens de la tête de l'inspecteur, quand il m'a interdit d'utiliser Twitter avec vous.
Je me souviens également de son ton de voix, quand quelques années plus tard, il m'a demandé d'intervenir pour former d'autres enseignants à ce réseau social, pour des fins pédagogiques.
Je me souviens de la conseillère pédagogique, qui ne croyait pas à ce que vous aviez créé en codant, persuadée qu'un élève ne pouvait apprendre qu'avec des leçons.
Je me souviens des copains enseignants qui m'ont demandé de l'aide, pour changer leur façon de faire en classe en utilisant le numérique.
Je me souviens de cette inspectrice, qui ne voulait pas que je travaille comme je travaillais. Qui ne voulait pas que vous travailliez comme vous travailliez. Parce que travail et plaisir, selon elle, sont incompatibles. Dans son cas, c'est sûrement vrai.
Je me souviens de sa tête, à la réunion de ceux qui étaient admissibles.
Demain, j'ai un quart d'heure. Pour leur parler de vous. Pour leur parler de eux, pour parler de elle. Pour leur parler de toi, T. parce qu'on va leur montrer, qu'une autre école est possible, promis, j'essaierai de rester de marbre.
Parce que je ne serai pas seul. Vous serez tous avec moi. Et on va aller vers l'infini et au delà.
GD13 - membre du comité d’animation - chantier BTj - chantier des outils informatiques - Enseignant en classe unique urbaine à Marseille.
- Hervé Allesant
- Messages : 83
- Enregistré le : dim. 2 mai 2021 22:40
- Localisation : Marseille
- Contact :
Re: Chroniques du jeudi.
Chronique du jeudi.
Vous vous rendez pas compte vous...
Moi, le soir, j'ai des gamins de 6 à 10 ans qui tiennent tête à leurs parents : "Mais si, j'ai raison, c'est le maître qui l'a dit.".
Comme la fois ou dans le doute, j'avais mis un trait d'union à "peut être", et que la maman, enseignante, avait montré dans le petit Robert au petit élève l'orthographe correcte de cet adverbe. "Et bien maman, il n'y a qu'une seule solution, c'est que le dictionnaire se trompe". Hervé, encore plus que le pape, est infaillible.
Une phrase, un mot, un encouragement, un reproche, une réprimande, peuvent avoir des conséquences néfastes ou absolument extraordinaires avec nos élèves.
En tant qu'homme, j'essaie tant bien que mal de donner des exemples de femmes modélisantes pour les petites filles. Dans l'ISS, on parle de Thomas Pesquet, mais à chaque fois, on parle aussi de Megan McArthur. Parce qu'il est inconcevable que je laisse penser que les astronautes qui sortiront de ma classe ne pourraient être que des garçons.
J'essaie de montrer nos différences, en tant qu'espèce. Les grands, les petits, les doués en sport, ceux qui arrivent à dessiner sans effort, et ceux qui, par la rage et la gnaque, y arriveront plus tard.
Notre métier, à la fin, c'est de trouver ce qui fait qu'on est là, ce qui fait qu'ils sont là. Et donc, le truc, c'est de multiplier les situations qui feront que l'un ou l'autre sera dans son élément et à la fin, qu'il ou elle soit heureux ou heureuse. Mon fils à choisi son futur métier parce qu'on a fait une sortie avec une école de boulangerie quand il était dans ma classe en CE2.
Alors, en laissant entrer la vie dans la classe, on multiplie ces situations qui allument des étincelles. Comme cette fois là ou un élève de CM2 m'a demandé "comment on peut savoir si on est gay ?". Le silence s'est fait dans la classe. Comment répondre à cette question. Comment accueillir ce type de questionnement, et comment trouver les mots justes ? Je ne sais plus quelle avait été ma réponse, mais je sais qu'il a créé un club LGBT+ en sixième. Urbi et orbi.
Mes petits CP ont toujours une partie de l'année où ils commencent à se "tatouer" les bras, parce que le maître est tatoué. Et là, cette enseignante, sans dire un mot, n'a fait qu'ouvrir une fenêtre, elle à dit "je suis une alliée", elle savait forcément qu'en faisant ça, elle permettrait à celui, à celle qui voulait en parler, qu'elle serait là. Comme ces prêtres allemands qui, contre le Vatican, ont arboré les couleurs arc-en-ciel.
Alors les alliés, levons les couleurs, pour ceux qui nous écoutent religieusement.
Vous vous rendez pas compte vous...
Moi, le soir, j'ai des gamins de 6 à 10 ans qui tiennent tête à leurs parents : "Mais si, j'ai raison, c'est le maître qui l'a dit.".
Comme la fois ou dans le doute, j'avais mis un trait d'union à "peut être", et que la maman, enseignante, avait montré dans le petit Robert au petit élève l'orthographe correcte de cet adverbe. "Et bien maman, il n'y a qu'une seule solution, c'est que le dictionnaire se trompe". Hervé, encore plus que le pape, est infaillible.
Une phrase, un mot, un encouragement, un reproche, une réprimande, peuvent avoir des conséquences néfastes ou absolument extraordinaires avec nos élèves.
En tant qu'homme, j'essaie tant bien que mal de donner des exemples de femmes modélisantes pour les petites filles. Dans l'ISS, on parle de Thomas Pesquet, mais à chaque fois, on parle aussi de Megan McArthur. Parce qu'il est inconcevable que je laisse penser que les astronautes qui sortiront de ma classe ne pourraient être que des garçons.
J'essaie de montrer nos différences, en tant qu'espèce. Les grands, les petits, les doués en sport, ceux qui arrivent à dessiner sans effort, et ceux qui, par la rage et la gnaque, y arriveront plus tard.
Notre métier, à la fin, c'est de trouver ce qui fait qu'on est là, ce qui fait qu'ils sont là. Et donc, le truc, c'est de multiplier les situations qui feront que l'un ou l'autre sera dans son élément et à la fin, qu'il ou elle soit heureux ou heureuse. Mon fils à choisi son futur métier parce qu'on a fait une sortie avec une école de boulangerie quand il était dans ma classe en CE2.
Alors, en laissant entrer la vie dans la classe, on multiplie ces situations qui allument des étincelles. Comme cette fois là ou un élève de CM2 m'a demandé "comment on peut savoir si on est gay ?". Le silence s'est fait dans la classe. Comment répondre à cette question. Comment accueillir ce type de questionnement, et comment trouver les mots justes ? Je ne sais plus quelle avait été ma réponse, mais je sais qu'il a créé un club LGBT+ en sixième. Urbi et orbi.
Mes petits CP ont toujours une partie de l'année où ils commencent à se "tatouer" les bras, parce que le maître est tatoué. Et là, cette enseignante, sans dire un mot, n'a fait qu'ouvrir une fenêtre, elle à dit "je suis une alliée", elle savait forcément qu'en faisant ça, elle permettrait à celui, à celle qui voulait en parler, qu'elle serait là. Comme ces prêtres allemands qui, contre le Vatican, ont arboré les couleurs arc-en-ciel.
Alors les alliés, levons les couleurs, pour ceux qui nous écoutent religieusement.
GD13 - membre du comité d’animation - chantier BTj - chantier des outils informatiques - Enseignant en classe unique urbaine à Marseille.
- Hervé Allesant
- Messages : 83
- Enregistré le : dim. 2 mai 2021 22:40
- Localisation : Marseille
- Contact :
Re: Chroniques du jeudi.
Cela fera maintenant 5 ans que j'ai des CP dans ma classe.
J'ai même la chance, cette année, d'avoir certains de ces gamins que j'ai eu en CP parmi les CM2 que j'accompagne dans ma "classe unique", du CP au CM2.
Et je serais bien embêté pour expliquer comment les enfants apprennent à lire. Ce que je sais, c'est qu'à un moment, et tous les enseignants ayant eu des enfants prêts à lire vous le diront, il y a un "déclic" : un jour, un enfant ne lit pas, et quand ça commence, c'est l'affaire de quelques semaines, voire de quelques jours, pour qu'il comprenne le principe et se mette à lire.
C'est bien sur dans les cas où les enfants ne portent pas de problème de vue, de dys ou autre empêchements (sociaux ou familiaux) qui les embrument et les occupent tellement qu'ils ne peuvent pas se consacrer aux apprentissages. Ces problèmes là, de manière générale, doivent être réglés par la société dans son ensemble.
Alors, comment apprennent-ils, vu que je l'ignore, et que pourtant, années après années, ils deviennent lecteurs ?
Je ne peux que témoigner de ce qui se passe dans ma classe, mais comme les centaines (milliers ?) d'autres enseignants qui ont choisi la méthode naturelle d'écriture lecture. On écrit beaucoup. Du matin au soir : on fait un journal, on écrit à nos correspondants, on prépare des enquêtes, on invente un jeu, on fait des affiches, on met des photos sur twitter, on écrit des mots pour la réunion de coopérative... Et, de façon assez étonnante -au point que le conseil scientifique ne tienne pas compte de ce fait, qui a été théorisé par Emlia Feirrero et Jean Pierre Jaffré- un enfant arrive à écrire avant de lire. Assez rapidement, les parents peuvent constater que leur enfant va se mettre à écrire des mots pour la petite souris, écrira son prénom sur un dessin, sur un petit mot pour papy et mamie, ou le père noël etc. Ce que semblent ignorer ces scientifiques, c'est que toutes ces situations ont en commun la motivation de l'enfant à signifier par écrit un message.
En réalité, ce qui me semble essentiel, c'est d'avoir des "raisons" d'écrire, et de la même manière, il faut également avoir des raisons de lire. Quand on doit cuisiner, ou peser quelque chose, on se met à calculer, bien au delà de son niveau scolaire. On met en place des stratégies, on demande de l'aide à un copain qui sait faire. Et on remet sur l'établi, heure après heure, cette tâche qui nous demande tellement de disponibilité, mais dont l'envie d'y arriver motive l'enfant au point qu'il va y passer des dizaines de minutes. Et c'est en cumulant ces dizaines d'essais, de moment d'entraide, d'échecs, d'encouragements, que tous les enfants y arriveront. Mais jamais au même moment, et surtout, jamais de la même façon.
Moi, c'est tout ce que je sais faire. Sugata Mitra parlait de la "pédagogie de la grand-mère", qui regarde émerveillée ses petits enfants en leur disant "c'est formidable, continue", alors qu'elle ne pite rien à Fortnite, à Twitch ou à Instagram. Alors, en classe, je les encourage, jour après jour, à écrire, et s'ils n'y arrivent pas, je leur dis qu'ils vont y arriver, mais que certains devront plus travailler que d'autres, mais que les copains, et que moi, nous seront là pour les aider à écrire et à lire, tant qu'ils n'y arriveront pas seul.
Et un jour, ça s'ouvre. On les observe, seul à leur bureau, et on entend leur petite voix lire une phrase entière, sur une lettre de correspondant ou un article du journal d'école, "Tu as lu ça tout seul, mais c'est formidable, continue !"
Réduire la lecture au déchiffrage, c'est réduire les maths aux tables de multiplications ou le football au fait de savoir courir vite. Lire, ce n'est pas que comprendre. C'est permettre à chacun de pouvoir passer du temps dans les pensées d'un autre, en lisant ce qu'il a écrit. C'est élargir les horizons de chacun et contribuer à rendre le monde plus beau. Comme le dit Eveline Charmeux, ne faisons pas des petits lecteurs avec des "petites lectures".
J'ai même la chance, cette année, d'avoir certains de ces gamins que j'ai eu en CP parmi les CM2 que j'accompagne dans ma "classe unique", du CP au CM2.
Et je serais bien embêté pour expliquer comment les enfants apprennent à lire. Ce que je sais, c'est qu'à un moment, et tous les enseignants ayant eu des enfants prêts à lire vous le diront, il y a un "déclic" : un jour, un enfant ne lit pas, et quand ça commence, c'est l'affaire de quelques semaines, voire de quelques jours, pour qu'il comprenne le principe et se mette à lire.
C'est bien sur dans les cas où les enfants ne portent pas de problème de vue, de dys ou autre empêchements (sociaux ou familiaux) qui les embrument et les occupent tellement qu'ils ne peuvent pas se consacrer aux apprentissages. Ces problèmes là, de manière générale, doivent être réglés par la société dans son ensemble.
Alors, comment apprennent-ils, vu que je l'ignore, et que pourtant, années après années, ils deviennent lecteurs ?
Je ne peux que témoigner de ce qui se passe dans ma classe, mais comme les centaines (milliers ?) d'autres enseignants qui ont choisi la méthode naturelle d'écriture lecture. On écrit beaucoup. Du matin au soir : on fait un journal, on écrit à nos correspondants, on prépare des enquêtes, on invente un jeu, on fait des affiches, on met des photos sur twitter, on écrit des mots pour la réunion de coopérative... Et, de façon assez étonnante -au point que le conseil scientifique ne tienne pas compte de ce fait, qui a été théorisé par Emlia Feirrero et Jean Pierre Jaffré- un enfant arrive à écrire avant de lire. Assez rapidement, les parents peuvent constater que leur enfant va se mettre à écrire des mots pour la petite souris, écrira son prénom sur un dessin, sur un petit mot pour papy et mamie, ou le père noël etc. Ce que semblent ignorer ces scientifiques, c'est que toutes ces situations ont en commun la motivation de l'enfant à signifier par écrit un message.
En réalité, ce qui me semble essentiel, c'est d'avoir des "raisons" d'écrire, et de la même manière, il faut également avoir des raisons de lire. Quand on doit cuisiner, ou peser quelque chose, on se met à calculer, bien au delà de son niveau scolaire. On met en place des stratégies, on demande de l'aide à un copain qui sait faire. Et on remet sur l'établi, heure après heure, cette tâche qui nous demande tellement de disponibilité, mais dont l'envie d'y arriver motive l'enfant au point qu'il va y passer des dizaines de minutes. Et c'est en cumulant ces dizaines d'essais, de moment d'entraide, d'échecs, d'encouragements, que tous les enfants y arriveront. Mais jamais au même moment, et surtout, jamais de la même façon.
Moi, c'est tout ce que je sais faire. Sugata Mitra parlait de la "pédagogie de la grand-mère", qui regarde émerveillée ses petits enfants en leur disant "c'est formidable, continue", alors qu'elle ne pite rien à Fortnite, à Twitch ou à Instagram. Alors, en classe, je les encourage, jour après jour, à écrire, et s'ils n'y arrivent pas, je leur dis qu'ils vont y arriver, mais que certains devront plus travailler que d'autres, mais que les copains, et que moi, nous seront là pour les aider à écrire et à lire, tant qu'ils n'y arriveront pas seul.
Et un jour, ça s'ouvre. On les observe, seul à leur bureau, et on entend leur petite voix lire une phrase entière, sur une lettre de correspondant ou un article du journal d'école, "Tu as lu ça tout seul, mais c'est formidable, continue !"
Réduire la lecture au déchiffrage, c'est réduire les maths aux tables de multiplications ou le football au fait de savoir courir vite. Lire, ce n'est pas que comprendre. C'est permettre à chacun de pouvoir passer du temps dans les pensées d'un autre, en lisant ce qu'il a écrit. C'est élargir les horizons de chacun et contribuer à rendre le monde plus beau. Comme le dit Eveline Charmeux, ne faisons pas des petits lecteurs avec des "petites lectures".
GD13 - membre du comité d’animation - chantier BTj - chantier des outils informatiques - Enseignant en classe unique urbaine à Marseille.